 La désignation du chef de village de Goumbou, dans la commune rurale de Ouagadou, fait l'objet d'une vive polémique entre les habitants de ladite localité. Dans une première correspondance en date du 14 octobre 2009 relative à la proposition du chef de village, le préfet de Nara, Souleymane Coulibaly, nomme le doyen d'âge des Doucouré, Maciré Doucouré, 94 ans, domicilié au quartier de Yassara, chef de village de Goumbou. Quelques jours après, soit le 11 novembre 2009, retournement de situation : le préfet envoie une deuxième correspondance dans laquelle il nomme au même poste Demba Doucouré de Farabaga, 64 ans, par ailleurs, oncle de Mintou Doucouré. Détail significatif : Demba Doucouré, 64 ans, se trouve être l'oncle de Mintou Doucouré, qui est l'épouse de Dioncounda Traoré, lequel, pour ceux qui ne le savent pas, est le président de l'Adema et, ce qui ne gâte rien, celui de l'Assemblée nationale. Donc deuxième personnalité de l'Etat après ATT. Cette décision provoqua l'ire des partisans de Maciré Doucouré.
Pour rappel, la commune rurale du Ouagadou est le cœur du plus vieil empire qui ait existé dans notre pays, l'empire du Ouagadou, fondé il y a de cela près de deux millénaires.
Le village compte quatre quartiers : Yassara, le tout premier quartier dont est originaire le nommé Maciré, le doyen des Doucouré et qui prétend à la chefferie. C'est aussi le quartier qui abrite la plus vieille mosquée du village fondée en 1050. S'y ajoutent les quartiers de Farabaga, Djanguinaga (1) et Djanguinaga (2).
Suivant les coutumes en vigueur dans le Ouagadou depuis plus de deux siècles, c'est le plus âgé des prétendants ou descendants de la famille fondatrice, en l'occurrence les "Doucouré", qui est désigné chef de village.
L'imposition de Demba Doucouré par le préfet comme chef de village de Goumbou constitue, de ce fait, une violation flagrante de ces coutumes sacrées sous ces cieux.
Les partisans du doyen d'âge des Doucouré, Maciré Doucouré, nous ont rendu visite à la rédaction, le mardi 16 février, pour dénoncer cette immixtion de l'administration dans les questions relevant de la tradition.
Il s'agit, entre autres, de Issa Doucouré, cultivateur, Mahamadou Doucouré, transporteur, Mohamed Doucouré, commerçant, Bello Doucouré, commerçant, Maciré Doucouré, cultivateur et Sory Djéfaga, commerçant de son état.
Après l'envoi de la deuxième correspondance à Goumbou, retirant à Maciré son titre de chef de village, au profit de son cadet Demba Doucouré, les partisans du premier nommé ont écrit au préfet pour lui demander de rapporter cette décision à leurs yeux lourde de beaucoup de conséquences et qui piétine leur tradition.
Le préfet Souleymane Coulibaly n'ayant pas accepté de revenir sur sa décision, le conseiller de village, Maciré Doucouré, par ailleurs petit-fils du doyen d'âge d'où l'homophonie, a fait le voyage sur Nara pour le rencontrer.
Après un rappel historique sur le mode de désignation à la tête de la chefferie, il suggéra au préfet d'aller dans le sens de la tradition qui veut que ce soit toujours le plus âgé des Doucouré qui hérite de la chefferie.
Le préfet qui, aux dires du conseiller de village, n'a pas nié avoir envoyé les deux décisions, a tout de même soutenu, avoir, en toute responsabilité, nommé Demba Doucouré.
Auparavant, les partisans de Maciré Doucouré avaient adressé au gouverneur de Koulikoro et à ses conseillers une correspondance dans laquelle, ils disent ne pas être d'accord de la décision du préfet. Aucune de ces deux démarches menées n'a pu apporter un changement de la situation.
Entre temps, les partisans de Demba Doucouré, oncle de Mintou Doucouré, et bel oncle de Dioncounda Traoré, s'activaient pour organiser une cérémonie d'intronisation du nouveau chef.
Chose qui ne s'était jamais produite avant et qui était prévue se tenir entre les 13 et 14 de ce mois. Des tissus ont même été imprimés à l'effigie du nouveau dignitaire. Les partisans de Maciré ne l'entendaient pas ainsi. La tension monta d'un cran au village.
Les partisans des deux camps étaient au bord de l'affrontement. Devant cette situation grosse de danger, le ministère de l'Administration territoriale et des collectivités locales envoya une correspondance interdisant toute manifestation jubilatoire. Toutefois, le vendredi 12 février, le préfet convoqua le 1er adjoint pour l'informer que le village est autorisé à célébrer la cérémonie d'intronisation de Demba Doucouré.
Il nous est apparu au cours des échanges avec nos interlocuteurs que c'est l'épouse du président de l'Assemblée nationale, Mintou Doucouré et la sœur de ce dernier, Alima Traoré, ainsi qu'un autre ressortissant du village qui aurait fait fortune en Côte d'Ivoire, qui aurait soudoyé l'administration à opter pour le choix de Demba Doucouré.
Ce sont les mêmes personnes qui auraient convaincu la même administration à accepter la tenue d'une cérémonie d'intronisation.
Cette cérémonie d'intronisation étant désormais devenue inévitable, les partisans du doyen Maciré ont, à leur tour, interdit l'accès de leur quartier à ceux de leurs adversaires arborant l'effigie de Demba.
Consigne bravée
Cette consigne sera bravée par un des proches de Demba Doucouré qui, habillé d' un tee shirt à son effigie, se rendra au domicile d'un partisan de Maciré, répondant au nom de Mariko, celui-ci étant absent, il tombe sur la fille de ce dernier, âgée de 14 ans, à qui il aurait fait remarquer que son père a beaucoup de chance et que s'il l'avait trouvé sur place, il l'aurait tué.
Il s'adonna à cœur joie à des grossièretés à l'encontre de son géniteur. Ç'en était de trop pour la fille de Mariko qui répliqua au visiteur. Lequel l'aurait rouée de coups jusqu'à ce qu'elle perdit connaissance.
Le destin voulut qu'à sa sortie, l'agresseur tomba sur Mariko lui-même qui rejoignait sa maison. Une rixe s'engagea entre les deux hommes et l'accompagnateur du provocateur alla alerter ceux de leur camp qui vinrent en renfort.
Le préfet, informé de l'incident, a convoqué 5 partisans de chaque camp à la gendarmerie de Nara, où il aurait fait savoir aux proches du doyen d'âge des Doucouré que c'est lui qui a nommé Demba et qu'il serait inutile pour les partisans de ce dernier de s'attaquer à ceux de Demba.
Joignant l'acte à la parole, l'administration prit faits et cause pour Demba. Ses proches ont été libérés pendant que leurs adversaires, au moment où nous mettons sous presse, croupissaient encore dans la prison de Nara.
Il s'agit de Sadia Doucouré, Mariko Doucouré 61 ans, Demba Doucouré, 63 ans, Cheickna Tamboura, 67 ans, Maciré Doucouré, 74 ans et la mineure de 14 ans, Niagalé Doucouré, pourtant frappée au domicile de son père par celui par qui tout le scandale est arrivé.
Les partisans de Maciré Doucouré réclament la libération pure et simple de leurs proches arrêtés et le rétablissement dans ses droits de ce dernier.
Le maire de la commune rurale de Ouagadou, Sadia Kouma, que nous avons joint par téléphone, reconnait que le préfet a publié deux décisions de nomination.
Dans la première, c'est bien Maciré qui avait été choisi comme chef de village.
La deuxième fait cas de la nomination de Demba Doucouré. «Nous de la mairie, nous sommes impartiaux. Le préfet a pris sa décision en toute responsabilité. Nous ignorons ce qui l'a motivée» a-t-il déclaré.
Pour sa part, le conseiller de Cercle, Mané Guimba, a précisé que "bien avant la correspondance du préfet, le sous-préfet avait réuni l'imam, un représentant des familles Camara et un représentant des Soumaré à Goumbou pour qu'ils choisissent celui à qui confier la chefferie. L'imam ne s'est prononcé pour aucun des deux. Les représentants des Camara et Soumaré ont opté Demba".
Le conseiller de Cercle ajoutera que le choix opéré par le préfet n'est pas gage de stabilité pour la localité car à chaque fois que tel cas s'est posé à la tête de la chefferie, ses prédécesseurs ont opté pour le consensus, à savoir confier l'intérim à la famille Soumaré. Cette formule aurait pu nous mettre à l'abri de l'affrontement, a-t-il ajouté.
Quant au préfet du cercle, Souleymane Coulibaly, que nous avons également joint au téléphone, il a refusé de commenter sa décision.
Toutes nos tentatives pour lui arracher un quelconque mot sont restées vaines. Alors que toutes les accusations concourent pour lui faire porter le chapeau du bras-de-fer qui oppose les deux parties, aidé en cela par Mintou Doucouré, épouse de Dioncouda Traoré et la sœur de ce dernier, Alima Traoré.
Un risque d'affrontement profile à l'horizon car les partisans du doyen d'âge sont déterminés à faire respecter les lois coutumières qui ont, de tout temps, sous-tendu la désignation du chef de Goumbou.
Abdoulaye DIARRA |
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